De la parole de Friedrich Nietzsche et de Joe Strummer
Pour commencer ce blog je vais user du partage des mots, ceux d'un philosophe et ceux d'un artiste.
Ceci est un extrait de "Ainsi parlait Zarathoustra" de Friedrich Nietzsche, un extrait dans lequel je me retrouve plus particulièrement dans les moments où je ne crois plus en l'existence de qualité dans l'Homme. C'est le premier texte que je souhaite partager ici car il est de ceux qui me touche le plus. J'oscille souvent entre les deux tendances celle du manque de confiance en l'Humain et celle d'un espoir en ces qualités. Alors pour contrebalancer le texte du philosophe, j'y joint (n'arrivant pas par dailymotion à intégrer la vidéo) un lien vers une vidéo de Joe Strummer, "Redemption Song" qui est une reprise du bien aimé Bob Marley. Pour la voir cliquez ici.
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La meilleure sagesse, c'est d'oublier et de passer : - c'est là ce que j'ai appris ! Celui qui voudrait tout comprendre chez les hommes devrait tout attaquer. Mais pour cela j'ai les mains trop propres. … Tout parle chez eux et plus personne ne sait comprendre. Tout tombe à l'eau, rien ne tombe dans des puits profonds. Chez eux tout parle, rien ne réussit et ne s'achève plus. Tout caquette, mais qui veut encore rester au nid à couver ses œufs ? Chez
eux tout parle, tout est délayé en mots. Et ce qui hier était encore
trop dur, pour le temps lui-même et pour ses dents, pend aujourd'hui,
usé et rongé, hors des bouches des hommes d'aujourd'hui. Chez
eux tout parle, tout est trahi. Et ce qui jadis se nommait mystère et
intimité des âmes profondes appartient aujourd'hui aux trompettes des
rues et à d'autres papillons volages. … Contenant
mes vérités, les mains folles et le cœur agité, riche en petits
mensonges de la pitié : - c'est ainsi que j'ai toujours vécu parmi les
hommes. J'étais assis
parmi eux, déguisé, prêt à me méconnaître pour les supporter, me disant
volontiers : « Fou que tu es, tu ne connais pas les hommes ! » On
désapprend ce que l'on sait des hommes lorsqu'on vit parmi les hommes,
- que peuvent faire là les yeux presbytes et perçants ! Et
s'ils me méconnaissaient : dans ma folie, les ménageais plus que
moi-même, et me vengeant souvent sur moi-même de ces ménagements. Piqué
de mouches venimeuses et creusé comme la pierre par les nombreuses
gouttes de méchanceté, ainsi j'étais assis parmi eux et je me disais
encore : « Tout ce qui est petit est innocent de sa petitesse ! » C'est
surtout ceux qui s'appelaient « les bons » qui m'ont paru les mouches
les plus venimeuses : ils piquent en toute innocence ; ils mentent en
toute innocence ; comment sauraient-ils être justes envers moi ! La
pitié enseigne à mentir à quiconque vit parmi les bons. La pitié rend
l'air lourd à toutes les âmes libres. Car la bêtise des bons est
insondable. Me cacher moi-même et ma
richesse, c'est là ce que j'ai appris là-bas ; car je les ai trouvé
tous pauvres d'esprit. Ce fut là le mensonge de ma pitié de les avoir
tous pénétrés. De voir et de sentir chez tous ce qui était pour eux assez d'esprit, ce qui était trop d'esprit pour eux.
Leurs sages rigides, je les ai appelés sages non rigides, c'est ainsi
que j'ai appris à avaler les mots. Leurs fossoyeurs : je les ai appelés
chercheurs et savants, j'ai appris à troquer les mots. Les
fossoyeurs prennent des maladies en creusant. Sous de vieux décombres
dorment des exhalaisons malsaines. Il ne faut pas remuer le marais. Il
faut vivre sur les montagnes. C'est
avec des narines heureuses que je respire de nouveau la liberté des
montagnes ! Mon nez est enfin délivré de l'odeur de tous les êtres
humains ! Chatouillée par des
souffles vifs comme des vins mousseux, mon âme éternue, elle éternue et
jubile : « Santé ! » Ainsi parlait Zarathoustra (Friedrich Nietzsche)